mercredi 16 juillet 2014

Réflexes racistes ?...


Voici une vidéo censée montrer le "racisme" chez des enfants européens, mais qui montre surtout les défauts de l'étude en question et de nombreux problèmes sous-jacents, en particulier les préjugés inscrits dans la manière de mener l'étude elle-même.

Les enfants pensent-ils les personnages comme "noir" et "blanc" ? Pas sûr, il arrive assez souvent que les enfants rejettent ces étiquettes raciales pour des descriptifs de couleur (beige/ marron).

Que se passerait-t-il si on proposait plusieurs choix au lieu de deux choix clairement prédéfinis racialement, en plus ?

Et si on proposait aux enfants d'avoir l'alternative de ne pas choisir ?

On voit bien que plusieurs d'entre eux hésitent et regardent la chercheuse pour "vérifier si c'est bien ça" (surtout un !). En plus elle réagit avec approbation ("hum hum, oui")

Ne choisissent-ils pas "ce qu'on attend d'eux" parce qu'ils ont déjà repéré les préjugés et sont face à un adulte avec de l'autorité?

Autre proposition: comment cela se passerait-il s'ils étaient isolés dans une cabine avec les différentes proposition d'instructions, dont "je ne sais pas" comme réponse possible ?

Une dernière situation possible: l'adulte avec autorité qui retourne les flash-cards est lui-même ou elle-même classifié comme noir(e).... - Comme par hasard, ce n'est jamais le cas-. Pourtant cela permettrait vraiment de savoir si la figure de l'adulte qui "distribue les cartes" a lui-même un rôle (d'autorité et donc déformant dans le cadre du test qui devrait rester neutre).

Par ailleurs, le concept "d'ethnie" est récent, une variante de "race". Cependant la spécialiste en neuro-sciences (les neuro-sciences pour étudier le racisme ?) l'emploie comme il s'agissait d'une reconnaissance réflexe, innée ("naturelle", comme renchérit le journaliste). On se rassure comme on peut sur les concepts imposés culturellement par sa civilisation en en faisant des faits "naturels" inévitables.

Et finalement, dernière remarque concernant ce "test": les conclusions apportées par ces chercheurs français et suisses ne prennent pas du tout en compte le contexte original de l'utilisation de ces outils. Aux US, on fait ces mêmes études (avec les mêmes images) principalement avec des enfants classifiés comme "noirs" ou dans des lieux avec un mélange d'enfants de toutes origines, majoritairement afro-américains.

Donc les résultats ne peuvent pas être interprétés de la même manière du tout: comment pourrait-on parler "d'identification positive" avec "son groupe ethnique" quand des enfants "noirs" montrent les mêmes réactions que celles décrites ici ? Il ne s'agit plus de "racisme" (dans le sens de sentiment de supériorité et de rejet en conséquence) mais plutôt de révélation d'une aliénation.

Personnellement, comme titre pour cette vidéo, je choisirais l'autre expression favorite de ces messieurs-dames: "tout le monde est un peu raciste", qui est clairement disculpante et généralisante, et correspond au but inavoué (ou inconscient) de cette "étude".

Si c'est ainsi qu'on envisage de "combattre" le racisme, on est mal parti.

Commençons déjà par expliquer à tout le monde que c'est: une idéologie, pas de la biologie.

vendredi 25 avril 2014

Le racisme, ce n'est pas de la haine

La haine, c'est une des conséquences du racisme.

Le racisme est une idéologie, pas un sentiment.

C'est une idéologie qui est encore aujourd'hui appliquée à travers des lois et des systèmes politiques.

Une idéologie à laquelle souscrivent des groupes organisés, mais aussi des "gens", qui savent ou ne savent pas qu'ils sont racistes, mais qui "croient" aux idées qu'on leur a inculqué à travers, par exemple, le système scolaire de leur pays.

Une idéologie, ça se combat politiquement. ça nécessite des réformes, c'est à dire des lois qui améliorent les choses. Qui permettent de sanctionner les citoyens qui se comportent de manière raciste envers les autres. Mais quand des sociétés entières se sont construites sur l'idée que leur "nation" correspond à une "race", cela devient très compliqué parce qu'il faut alors remettre en cause tout les concepts qui sont à l'origine du mode de fonctionnement de cette société.

Nous en sommes là en France. Nous avons un président qui avait promis, par exemple, de fait supprimer le mot "race" de  la Constitution. Il y est toujours. Le sous-entendu est qu'on ne veut pas se débarasser de l'idée... On a bien du mal en tous cas.

Si on se débarasse de l'idée, de la notion de "race", on aura déjà fait un grand pas vers la réduction des expressions de haine liées à cette idée.

Lectures pour étoffer les idées:

Dorlin Elsa, La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française. Paris, La Découverte, 2009 (2006)


Citron Suzanne, Le Mythe national. L'Histoire de France revisitée. Paris, Les Editions de l'Atelier/ Editions Ouvrières, 2008

vendredi 28 février 2014

Afro/Negro-phobie... Euro-arnaque ?

Attention aux arnaques conceptuelles...



La nouvelle, c'est "l'afrophobie" ou la "négrophobie". En lieu et place du racisme ?


Une phobie, ce n'est pas un délit, ce n'est même pas une idéologie. Donc ce n'est pas condamnable.

C'est "juste" une maladie...

ça ne se légifère pas, on peut "juste" essayer de soigner les "pauvres malades".

Mais les traduire devant un tribunal pour "afrophobie"/ "négrophobie" ?

Pas possible.

Attaquer l'afrophobie devant la justice ? 


Pas possible, puisque ce n'est pas défini légalement.

Cette translation habile et rusée du racisme (idéologie condamnable car érigée autrefois en Loi, et aujourd'hui condamnable comme Délit) n'est pas un élément de "l'arsenal législatif européen".

Les "bonnes âmes" et éventuellement les "psy" vont la combattre.

Mais comment faire quand les psy eux mêmes en souffrent ?




Merci à Nzwamba Simanga d'Uhem Mesut de pointer les choses essentielles...

Le racisme, c'est quoi ?

Ces derniers temps, ça recommence. Les tentatives de noyer le poisson. De créer la confusion pour qu'on s'occupe de tout, sauf de l'essentiel.


Comme de créer un nouveau terme: l'afrophobie... et quand on cherche bien, on retombe sur: racisme.
Le racisme, c'est quoi ?

Pour commencer, c'est singulier. Ce n'est pas pluriel. Il n'y a pas "des racismes". Tout comme il n'y a pas "des humanités".

Le racisme a des origines bien précises, et des raisons d'être tout aussi précises.

Il postule l'existence de "races" humaines.

C'est à dire que le premier effet de cette notion est de SEPARER implicitement. S'il y a des "races", c'est que nous sommes différents intrinsèquement, biologiquement. C'est ce qu'on appelle l'essentialisation de la race.

Première confusion: certains pensent que nier l'existence des "races", c'est nier les "différences". Les différences d'apparences, culturelles ou géographiques, par exemple.

C'est une des techniques favorites des racistes ou des racistes qui s'ignorent pour jeter la confusion dans le débat.

Or, quand nous parlons de "différences", nous ne parlons PAS de "races".

Nous parlons de différence de couleur de peau, ce qui n'est PAS la même chose que la "race".

C'est une des plus belles réussites des racistes: celle d'avoir réussi à trouver des concepts qui semblent se confondre avec la couleur de peau: blanc, noir, jaune, rouge.


Or, si on observe bien, personne n'a la peau de ces couleurs. La peau des êtres humains varie du brun très foncé au beige très clair.

Si on considère "blanc", "noir", "jaune" et "rouge" comme des couleurs de peau, alors dites-moi:

où commence et finit le "blanc" ?
où commence et finit le "jaune" ?
où commence et finit le "rouge" ?
où commence et finit le "noir" ?

Il y a même des gens qui se sont amusés à déterminer les "nuances" de "noir", nuances de "blanc"!

Et personne n'y voit un problème ?

Bref, tout cela pour dire qu'on ne parle pas de couleur de peau, mais de concepts/ notions liés apparemment à l'apparence, qui sont en fait des termes qui contiennent un SENS, quand on parle de "races".

Dans les langues européennes*, le blanc, le noir, le jaune et le rouge étaient (et sont toujours) fortement connotés.

Les appliquer (littéralement, comment une couche de peau en plus) à des humains agi(ssa)it de manière à transférer le sens de la couleur à l'humain en question. Ce qu'on retrouve dans les définitions des "caractères" liés aux 4 "races" par les taxonomistes et autres naturalistes qui ont différencié et classifié les races (pour en trouver une certain nombre, souvent supérieur à 4) au 18è et 19è siècles en particulier.


Quand nous parlons de différences, nous ne parlons pas de "races".

Nous parlons de différences culturelles, religieuses, etc, liées à des apprentissages, et pas des choses innées.

Les racistes dit "scientifiques" ont également tenté de lier les "races" à des caractéristiques autres que physiques ou d'apparence. Ils ont tenté de généraliser à des "types" humains, surtout en fonction de ce qui leur était utile pour justifier les agissements qui ont accompagné le développement du racisme: l'esclavage, le colonialisme, le tout sur fond de capitalisme.

Le procès qui consiste à attaquer celles et ceux qui combattent le racisme en arguant du fait qu'il faut "respecter les différences" est fondamentalement marqué par une acceptation du racisme. Il se double très souvent d'un strabisme intellectuel qui consiste à multiplier les racismes jusqu'à ce qu'on ne s'y retrouve plus, et SURTOUT: jusqu'à ce qu'on oublie ce qu'est le racisme !

Le racisme, c'est:

1 - l'invention de "races" humaines basées sur l'application habile de "couleur" qui n'en sont pas à des groupes humains, qu'on définit en sus comme homogènes, c'est à dire qu'on y voit des humains "tous pareils", qui "se ressemblent tous".

2 - l'idée qu'une de ces "races", celle qui s'est inventée elle-même et qui a inventé les "autres"; la "blanche", serait SUPERIEURE aux autres, et en particulier à la "noire". Et que de part cette supériorité supposément intrinsèque, elle aurait tous les droits sur les autres "races". Y compris de les définir selon ses critères à elle.

Le racisme, c'est ça, et rien d'autre.



*je ne connais pas celles qui sont parlées à la périphérie de l'Europe géographique, et je n'ai pas encore eu le temps de m'instruire là-dessus donc je me contente de ce que je connais plus ou moins bien: les langues d'Europe de l'Ouest jusqu'au Caucase).

jeudi 27 février 2014

Du Père Noël et de la "race".

Cela peut sembler bien incongru, de parler dans un seul et même article de ces deux sujets apparemment bien distants.

Et pourtant, en terme de psychologie de la manipulation, on est en terrain commun.

Tous les enfants, dans les cultures chrétiennes ou baignées de chrétienté, renoncent un jour ou l'autre à leur croyance en ce personnage particulier qu'est le Père Noël.

Alors pourquoi ne renoncent-ils pas à la croyance en la "race" ?

C'est pourtant une croyance tout autant basée sur l'invention, l'imaginaire, que le personnage du Père Noël... Tous les adultes savent que le père Noël n'existe pas. Mais ils savent aussi que dans les cultures chrétiennes, il participe de la construction sociale et psychique des enfants. Le Père Noël apprend à obéir, à partager, à être gentil, à respecter les plus âgés, etc...

De même pour l'idée de "race": elle apprend des choses aux enfants...

Qu'apprend-elle ?

Qu'il y a des groupes humains avec des "rôles" particuliers. Que leur "apparence" définirait leur "caractère". Qu'un groupe humain défini comme "blanc" est supérieur aux autres, en particulier à celui défini comme "noir" de part sa supériorité intrinsèque, supposément contenue dans sa "blancheur" (donc sa pureté).

Mais contrairement à la croyance au Père Noël, la société raciste ne considère pas qu'il faut s'en défaire. Alors qu'il est tout aussi stupide en soi de croire en des "races" que de croire qu'un vieux monsieur vit au Pôle Nord et descend par les cheminées pour déposer des cadeaux au pied d'un sapin !

La société raciste ne se défait pas de la race, car elle est le moteur de nombre de ses appareils de contrôle social et politique. Elle l'est depuis l'avènement de la république, en France et aux Etats-Unis, par exemple. Elle sous-tend toutes les politiques de migrations, si importantes dans les sociétés capitalistes.
Concernant cet exemple, considérons le vocabulaire utilisé: quand un occidental (un "blanc") migre dans un autre pays, c'est un "expatrié". Quand un étranger (un "non-blanc") migre, c'est un "immigré". Même à travers le lexique, pour parler de la même chose, on a l'expression d'une "supériorité" implicite.

Alors, on peut en conclure que, comme pour la croyance au Père Noël, qu'on ne peut pas arracher d'un coup aux enfants, sous peine de les peiner, les rendre tristes ou les déstabiliser dans leur vision du monde, il faut aussi passer par une phase d'apprentissage de la vérité pour les adultes qui doivent se défaire de leur racisme acquis.

Si on les attaque de front, en leur affirmant la vérité: "les races n'existent pas", on risque de ne plus pouvoir partager quoique ce soit avec eux. C'est par le récit de faits, amenés les uns après les autres, des preuves de la non-existence des "races", qu'on peut atteindre ce but. C'est par la répétition, l'apprentissage de toutes les manières, qu'on peut le faire, tout comme les racistes ont pratiqué la répétition et la multiplicité des approches pour inculquer leur croyance.

Car un raciste ne supporte pas d'être confronté avec cette réalité traumatisante: il s'est en effet construit dans l'idée qu'il appartient à une "race". De même des gens qui n'ont à priori pas de propension à être racistes (comme les victimes du racisme elles-mêmes) peuvent se trouver déstabilisés face à l'affirmation de l'inexistence d'une référence identitaire (imposée) qui était la leur jusqu'à ce jour. Ce vide soudain dans leur définition d'eux-mêmes peut être vertigineux.

Il faut absolument trouver matière à leur reconstruire un monde, dans lequel ils ont une place qui n'est pas qu'absence. Il faut contrer le racisme avec une autre vision pour que les êtres humains qui se sont construits dans l'idée de race puissent doucement se percevoir autrement, concevoir leur appartenance au monde de manière positive et utile.

Tout comme les enfants continuent à vivre et deviennent matures en renonçant à croire au Père Noël.

mercredi 26 février 2014

Hommage à Stuart Hall

Ce sociologue qui a consacré sa carrière à déchiffrer le fonctionnement de l'idéologie raciale nous a quitté.

J'invite celles et ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances à lire ses articles et ouvrages en français (les quelques qui ont été traduits).

Otherwise, the possibilities in English are easily available.